Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 18:41

Elle aimerait manger le fil de sa vie pour en sentir la présence.

Elle aimerait comprendre ce qu’elle fout là. Sur ce bout de Terre qui ne l’a pas demandée.

Elle aimerait sentir sa vie battre, un peu, un tout petit peu plus.

Elle mange sa vie. Elle mange sa terre. Elle fait son bout de chemin ici-bas.

Elle aimerait tant avancer droit.

Elle l’attend. Comme on attend un enfant perdu sans sa mère.

Elle l’attend comme on aime un pot aux roses.
Elle attend son homme. Il conduit, c’est dur.

Elle respire du ciel étoilé.

Elle est là. Seule à sa table. Et elle écrit.

Il est arrivé tout à l’heure. Il a ouvert la porte d’entrée en criant : « Hello ! »

Elle s’est dit : « Chic, il est arrivé ».

Elle a répondu à son « Hello ! »

Elle voudrait lui ouvrir la porte.

Toujours, à temps.
Elle a peur que la vie les ruine.

Un couple, ça s’apprend ?

Elle se dit que l’amour c’est l’inverse du cannibalisme.

C’est laisser l’autre vivre à côté.

À ses côtés. C’est s’emmêler dans un présent partiel. C’est vivre à plusieurs. C’est aimer sans cesse.

C’est préparer à manger. Ce soir, Elsa a oublié. Elle a oublié le B-A-BA..

Préparer à manger à son chéri.
Elle s’emberlificote dans son trou à rat.
Elle tombe dans le puits.

Pendant ce temps il est resté distant. Il lui a donné des conseils. Mais il est parti et Elsa est restée. Elle est perdue. Il l’a laissée. Ça ne lui fait rien.

Elle aime ça. Qu’il fasse sa vie. Ailleurs.

Elsa ne sait pas ce qui fait couple.

Mais Noé est si gentil.

Elsa ne sait pas ce qui fait couple. Vu qu’ils n’ont pas d’enfant.

Alors, ce soir, elle ouvre la porte.
Elle écrit et les mots hurlent : « Mange le fil ! Mange le fil de ta vie ! »

Elsa aimerait que le jour arrive.

Elsa aimerait comprendre pourquoi elle vit. Et ce qu’il lui veut, lui, cet homme qu’elle a aimé. Elle ne sait plus bien quand elle l’a rencontré.

Pourquoi a-t-il mis du déo, tout à l’heure, avant de partir ?

Pourquoi s’est-il rasé ?

« Stand by your man » susurre la chanteuse.

Ce soir, Elsa ouvre son sac, et le déballe. Elle se dit que Dieu est comme dans une cellule.

« Il attend que j’ouvre ! » s’exclame-t-elle.

Déjà elle n’a plus que lui comme repère.

Noé semble ailleurs. Il semble ne plus l’aimer, déjà. Leur amour se fourvoie.

Elle ne sait plus ce que veut dire « aimer ».

Elle le laisse regarder la télé à côté.
Elle, elle a besoin d’écrire, et écrire et réécrire sa vie. Liée à la sienne.

« Il y a tant de naufrage dans vos yeux, monsieur. »

Elsa s’engouffre dans un trou noir. Elle cherche à comprendre. Elle suit le fil.

Elle ne sait pas comment faire pour ne pas se perdre. Elle étouffe.

Ce n’est pas ainsi qu’elle gardera son homme.

Elle est un mystère qui s’étiole à côté.

Elsa a besoin de Noé. Mais elle veut vivre à côté. Elle aussi, elle a droit à son petit coin de Paradis.

Et tant pis s’il ne s’appelle pas Giulia, Esmeralda ou Lucilla.

Elsa a le choix. Entre un bout d’étoile et un coeur qui bat.

Elsa ne sait pas ce qui fait couple si elle s’éloigne un peu, un tout petit peu.

Il a mis du déo. Avant d’y aller.

Il a parlé en revenant, ravi, de Guilia, Esmeralda et Lucilla.

C’est pas grave, elle se dit. Noé l’aime.

Bâtir plutôt que déconstruire.

Y Croire plutôt que tout détruire.

Être un coeur qui bat, bat, bat. Et qui ne se lasse pas de battre.

Elle a son torse qui pourrait s’ouvrir. Elle a le visage éreinté. Elle a cru à sa mort. Elle s’est sentie perdue. Elle avait perdu le fil.

Elle rêve sa peau. Ses yeux. Son sourire. Ses envolées.

« Il était beau comme un italien quand il sait qu’il aura de l’amour et du vin ».

 

L’amour, ce n’est pas quelque chose de confortable.

L’amour, c’est piquant. C’est avoir le cul entre deux chaises.

Elsa n’est sûre de rien.

Noé a tant besoin de séduire. Elsa n’est ni Guilia, ni Esmeralda, ni Lucilla. Elsa n’est qu’elle-même. Un tout petit bout de femme qui a peur de son ombre et qui écrit des pages et des pages pour suivre le fil.

Elsa est une petite Ariane en devenir.

 

Et puis, elle ferme les yeux.

Peut-être tout n’est que question de foi et d’amour.

Alors, ce soir, Elsa choisit d’y croire.

 

Comment on fait pour ressusciter ?

Elsa pense à appeler sa meilleure amie. Mais non. Pas cette fois-ci.

 

Elsa se souvient le premier resto, avec Noé.

Elle avait le trac, un trac fou.

Elle se sentait une moitié de personne.

Comment pourrait-elle l’intéresser, bon sang ?

Elle avait peur de la boue, en elle.

Elle avait peur de dire des choses insipides.

Elle avait peur d’annoncer la couleur.

Cette corde au cou, ce mal-être… cette chute dans le puits si souvent.

Elsa sait le PRIX des choses.

Elsa sait que perdre un jour c’est perdre pour toujours. Elsa sait que Noé est unique qu’il s’aiment qu’ils ont tissé des liens ténus et qu’elle a le droit, le devoir même de prendre du temps pour elle. Et pas que pour eux.

Elle veut comprendre ce qu’il s’est passé. Pourquoi son cœur bat si fort, ce soir ? Pourquoi elle étouffe un peu.

Et ce qui fait qu’elle ne peut plus respirer vraiment, respirer à fond.

 

Elle se souvient l’eau dans la piscine de son enfance et ses cercles de petite nageuse au fond de celle-ci. Le soleil qui perçait du ciel qui mettait tout ce qui manquait de lueur dans sa vie, et qu’elle mirait qui l’apaisait qu’elle voulait atteindre. Et sa tante – sa grand-tante – qui attendait près du grand chêne, sans parler, sans regard vers elle. Sans la considérer. Cette fille, Elsa, qui ne savait pas dire « non », qui ne savait pas dire « je ». Et en qui passait la beauté de celles qui ne se savent pas belles.

Cette petite fille, Elsa, timorée. Cette petite Elsa qui questionnait le monde de son regard bigleux et perçant.

Cette petite Elsa qui était comme une herbe folle, soit trop sage, soit fuyante.

Cette petite Elsa qui se connaissait si peu.

Des larmes se crochètent à ses yeux. Ce n’est pas le but.

Le but, c’est de S’OUVRIR.

Le but, c’est de COMPRENDRE.

Le but, c’est d’AIMER…

Et, peut-être, plus encore, c’est de SE LAISSER AIMER.

 

Noé la regarde avec tendresse quand elle conduit le lendemain.

Elsa veille tel un cerbère. Elle scrute l’horizon. Elsa sent quand il se fourvoie cet horizon. Elle scrute les biches, sur la route. Elle scrute les sangliers.

Elle scrute les Jolis Cœurs et les Bombasses allumeuses.

Noé ferme les yeux… Elsa passe la quatrième… Un vrai bonheur.

 

Elsa se dit qu’elle peut dormir dorénavant.

Elsa a retrouvé en elle le fil. Le fil de leur amour. Cette considération que Noé a pour elle, et qui lui a tant manqué quand elle était une petite fille.


Elle va le bécoter, tiens !

Et laisser sa grand-tante s’évanouir tout près du grand chêne.

 

Tiens, elle ne lui en veut plus là, à sa grand-tante. De ce petit mépris qui sourdait en elle. De ce recul vis à vis d’elle.

De celle qui, peut-être bien, est la vieille dame qu’elle rêverait – bizarrement – de devenir.

Une vieille dame vivante et joyeuse.

Une vieille dame qui considérerait tous les enfants de son entourage, tellement elle aurait le cœur OUVERT.

Alors, ce soir, elle se fait cette promesse à elle-même.

De laisser sa chance à chacun.

Un sourire prend son visage.

 

Un bécot ! Puis, au dodo ! Elle espère qu’elle dormira bien. Contre Noé elle se calfeutrera. Tout contre lui.

Partager cet article
Repost0

commentaires