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20 décembre 2021 1 20 /12 /décembre /2021 22:49

Papa Noël

 

Il l’avait bien mérité, cet olibrius . Un peu d’amour en bouteille, un peu d’amour en boîte.

Il l’avait bien mérité, l’autre zigoto. De ce soleil en Arctique.

C’était une nuit de pleine lune. Et les rennes n’aiment pas cela, les nuits de pleine lune.

Les nuits torturées.

C’était une nuit de pleine lune, et un soleil avait ex-plo-sé dans le salon du Père Noël.

 

La soirée avait été un peu arrosée. C’était le lendemain du jour de Noël, et l’autre, là, le Père Noël, après sa longue tournée, avait enlevé ses bottes avait englouti une bouteille de skywhi entière et puis il s’était affalé sur le canapé dans sa petite maison, à côté d’un feu de cheminée qu’un lutin avait allumé pour lui. Il avait roupillé toute la journée du lendemain de Noël. C’est que cela lui mettait un tel stress, cette nuit de Noël. Tous les enfants l’attendaient impatiemment. Il ne fallait en oublier aucun, mais vraiment aucun. Une lourde responsabilité pesait sur ses épaules.

 

Puis, le 26 au soir quelqu’un avait toqué à la porte. Était-ce un lutin qui avait besoin de friandises ou de réconfort ?

Le Père Noël se leva de son canapé, ses charentaises frottèrent le sol en faisant ce doux bruit : « frr clap frr clap ».

Il était heureux déjà à l’idée de ne plus être seul.

 

En effet la Mère Noël s’était fait la malle cela faisait cent ans déjà. Le Père Noël n’avait pas bien compris pourquoi elle l’avait quitté.

« Tu ne m’écoutes jamais. Tu n’en as que pour ton travail. Je me tue à la tâche pour t’aider, et tu ne me remercies jamais. Je ne me sens pas respectée. Je pars ! »

 

Le Père Noël n’avait rien su dire. Il avait dû laisser partir celle qu’il considérait comme la femme de sa vie. Il n’avait rien dit. Mais, depuis ce jour-là, tout le monde voyait bien que le Père Noël n’était plus à la fête.

 

Elle l’avait quitté pour les beaux yeux d’un autre. Il était triste.

 

Mais, vaille que vaille, il continuait de distribuer les cadeaux aux enfants, aidé de ses lutins. Cependant les lutins ne partageaient pas vraiment ses joies et ses peines : le Père Noël était leur boss. Il ne pouvait leur montrer sa tristesse ni sa colère, cela n’aurait pas fait sérieux. Le Père Noël était très à cheval sur les principes. Mais il tonnait, le Père Noël. Il rugissait. Le 23 et le 24 au soir, depuis que la Mère Noël était partie, il disait :

« Plus vite ! Plus à droite. Non ! Pas ce jouet-là pour cette fillette, voyons je vous l’ai déjà dit, bande d’incapables ! »

Oui, parfois le Père Noël les traitait d’incapables, ses lutins. Il ruminait, il ruminait, le Père Noël.

Il était persuadé qu’elle l’avait quitté pour un autre. Un blond aux yeux bleus.

« Le blond » il l’appelait.

 

 

Il devenait nerveux. Ombrageux.

Il buvait plus que de raison.

 

Alors, quelqu’un toqua à la porte. Il ouvrit. Il y avait une enveloppe déposée sur son paillasson.

La nuit du 26.

Le soleil en Arctique.

Tout l’amour de la Terre entassé dans une enveloppe. Il l’ouvrit avec curiosité.

 

« Bonjour Pair Noël.

Maman ne va pas bien. S’il vou plè, Pair Noël, venez.

Voici nautre adresse : 123 Rue de l’éternitait, Antarctique. »

 

Le Père Noël resta coi devant cette missive.

Une famille avait besoin de lui. Une mère et son enfant vivaient apparemment une grande détresse. Il se dit : mais que puis-je leur apporter, je ne sers qu’à distribuer des cadeaux moi sur cette Terre. Il se frotta le crâne, embêté. Il décida d’aller se coucher et que la nuit porterait conseil...

Il se coucha. Se moucha. Se retourna dans son lit. Il se disait : « qu’elle se débrouille, cette maman ! Moi je ne suis que Père Noël, je ne suis ni médecin ni psychologue ! »

Il relisait la missive dans sa tête.

Soudain, il se leva au milieu de la nuit. Il pensait à l’enfant qui avait écrit la missive. Un pauvre enfant perdu qui l’appelait au secours.

 

Il se frotta les yeux.

Déboussolé je vous dis.

Il regarda de nouveau la petite carte. Elle venait de l’Antarctique. Le soleil dans sa maison, je vous dis.

Il se morfondit. Il se dit qu’il avait dû oublier un enfant la veille, qu’il avait oublié de laisser un cadeau pour cet enfant qui lui avait écrit. Et que c’était un appel de cet enfant qui s’était senti délaissé. La mère et l’enfant voulaient qu’il les aide à passer un vrai Noël.

Nom de nom, il ne pouvait laisser une mère, seule sans doute, dépérir avec son enfant. Ceci était un appel à l’aide, une bouteille jetée à la mer. Il remit ses bottes de Père Noël – le reste du temps, quand ce n’était pas Noël, il traînait avec des pantoufles de vieillard - vieillard qu’il était devenu depuis que la Mère Noël était partie et l’avait laissé.

Ni une ni deux, en plein milieu de cette nuit, de cette nuit de pleine lune, il attela ses rennes puis il se cala dans son traîneau et parcourut la moitié du globe. Il espérait ne pas arriver trop tard. Pourquoi cet enfant avait fait appel à lui le lendemain de Noël : il n’était pas un spécialiste des détresses humaines. Oh ! Ça non ! La Mère Noël lui avait souvent reproché son manque de psychologie. «  Ce qui est sûr, c’est que tu n’es pas un fin psychologue ! » lui répétait-elle.

 

Il arriva en Antarctique, le traîneau rempli à ras bord de cadeaux – car on ne sait jamais, ça peut toujours servir. Un Père Noël ça offre des cadeaux, et c’est comme ça.

En Antarctique, c’était l’été. Le soleil tapait tout son soûl. Il frappa à la porte, au 123 rue de l’éternité. Une femme ouvrit, une femme qu’il ne reconnut pas tout de suite. Aux traits creusés, aux yeux tristes et larmoyants. Cette femme, c’était celle qu’il avait toujours aimée, celle qui hantait ses nuits et ses journées creuses, vides, proches du néant depuis qu’elle était partie. La femme resta pétrifiée un temps, puis elle tomba dans ses bras en pleurant. Leurs larmes à tous deux coulèrent, coulèrent. Et le Père Noël comprit qu’il ne pouvait plus vivre sans elle. Elle, la Mère Noël. Et il réalisa qu’il l’avait beaucoup trop négligée par le passé.

 

Dans le salon où ces retrouvailles eurent lieu il finit par remarquer un enfant qui les observait, un enfant de cent ans environ, ce qui n’est pas beaucoup en terme d’âge Père et Mère Noël. Cela équivaut à peu près à l’âge de dix ans en terme d’humain classique.

Le Père Noël comprit que l’enfant était la mystérieuse messagère qui s’était déplacée jusqu’à chez et qui lui avait écrit.

 

« Voici Sollen ! » lui dit dans le creux de l’oreille sa femme. « Il y a longtemps, bien longtemps quand je t’ai quitté, je l’attendais, cette petite merveille. Je croyais que tu n’en voudrais pas. Tu t’en souviens, tu m’avais dit : des enfants, je n’en veux pas. Un Père et une Mère Noël ne peuvent avoir d’enfant ! C’est génétiquement et déontologiquement impossible. Tu m’avais dit, les enfants, c’est très bien mais chez les autres ! Je venais d’apprendre que j’étais enceinte. Cela avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. »

 

On n’avait jamais vu ça ! Le Père Noël avait un enfant !

 

« C’est ma, ma… ? » bredouilla-t-il.

 

- Ta fille, oui.

 

« Sollen », cela résonnait comme « soleil », cela résonnait très fort dans le cœur du Père Noël, cela bouleversait tout et remettait franchement les pendules à l’heure. Un sapin trônait dans la salle à manger, mais il n’y avait pas de cadeau. Si. Il y avait une petite fille, une petite rouquine toute timide et qui n’osait pas croiser son regard.

 

L’instant sembla durer une éternité. Ces deux-là se découvraient et cela faisait un sacré chambardement dans leur tête, cela tapait la chamade, tout à l’intérieur.

 

Sa petite Sollen changea le Nord pour le Sud et le Sud pour le Nord, l’envers à l’endroit et les bougies du décor quand elle avança toute hésitante vers lui et qu’elle prononça en le regardant cette fois bien dans les yeux, ce mot qu’il croyait lui être interdit, ce mot qu’il avait au fond de lui banni, ce petit mot qui ne lui avait jamais été adressé :

 

« Papa »

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